ORDER
L’ordre et le chaos

Quand des vétérans de la scène Black et Death Metal norvégienne s’associent des années plus tard pour jouer ensemble, il est évident que cela ne va pas donner dans l’Electro-Pop ni la musique classique (quoique…), mais bel et bien dans le metal extrême old school et très sombre. Voici l’illustre exemple d’Order comprenant rien de moins que Messiah, le second chanteur historique de Mayhem (1986-1987) ainsi que son premier batteur et acolyte Manheim (1984-1987), mais également Anders Odden, le sympathique guitariste du tout premier groupe de Death Metal norvégien Cadaver (un temps appelé aussi Cadaver Inc.) qui a par ailleurs notamment joué en live, et vous excuserez du peu, pour les célèbres Satyricon et Celtic Frost. Leur premier album Lex Amentiae, paru cet été chez Listenable Records, apparaît donc forcément culte et nous fait replonger avec nostalgie dans l’histoire du Black Metal norvégien…

[Entretien avec Anders « Neddo » Odden (guitares)
par Seigneur Fred – Photo : DR]

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Comment est né ce projet nommé Order en 2013 en Norvège du côté d’Oslo, et pourquoi tant de temps entre l’année de formation du groupe et la sortie de ce premier album ?
Quand on a démarré le groupe en 2013, on jouait alors juste des reprises de nos anciens groupes, c’est-à-dire Mayhem et Cadaver/Cadaver Inc. et des classiques de Venom et Celtic Frost, etc. Nous avons trouvé rapidement notre propre style qui est venu de manière naturelle pour nous, avec des riffs Heavy et lents plutôt que des blast beats à tout va. Nous nous sommes mis à écrire et composer en 2014, mais on a stagné quand nous avons appris que notre bassiste, René Jansen (ex-Cadaver), avait été diagnostiqué comme atteint d’une leucémie. Il a passé l’arme à gauche peu de temps après… Son dernier souhait était pour nous de jouer pour lui à ses obsèques, et de continuer. On a alors continué, mais avons eu du mal à trouver un nouveau membre pour le remplacer à la basse. Stu Manx (ex-Gluecifer) m’est venu à l’idée comme potentiel bassiste. Quand il nous a dit oui en 2015 pour nous rejoindre, nous sommes repartis de l’avant. On s’est alors remis à écrire et à donner des concerts.

Devons-nous considérer Order aujourd’hui comme un groupe sérieux avec des membres à temps complet ou bien un superbe side-project de luxe avec des vétérans de la scène metal extrême norvégienne des années 1980 et 90 ?
C’est un groupe sérieux, vraiment ! Je ne considère pas cela comme un side-project ou autre. Pour moi, c’est le seul groupe actuel où je suis un vrai membre à part entière, et en compose la musique. Il s’agit actuellement de la chose la plus importante que je fasse pour moi-même.

À propos du nom du groupe, pourquoi le choix d’un tel nom ? Est-ce un clin d’œil ou une blague entre vous étant donné qu’il y a chez vous deux anciens membres, Messiah (chant) et Manheim (batterie) issus de la légende du Black Metal norvégien Mayhem, ce dernier signifiant en anglais « chaos » qui est exactement le contraire de l’ordre (NLDR : « order » en anglais) ?!
J’ai eu l’idée du nom du groupe Order avant même que le groupe n’existe en fait. C’est l’un des rares mots courts qui n’a pas été encore emprunté par un autre groupe. (rires) Tu sais, ce n’est pas évident de trouver un nom de groupe disponible en un seul mot en 2017 libre de droits. Ce nom revêt plusieurs significations et c’est justement ce que j’aime à son sujet.

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Musicalement, en prenant en compte vos racines et vos passés respectifs, j’aurai tendance à décrire assez facilement votre musique comme un mélange de Black/Dark/Death Metal, quelque part entre Mayhem, Darkthrone, les premiers Bathory et surtout Celtic Frost… Qu’en penses-tu ?
Je pense que l’on se présente et nous érigeons sur nos propres pieds avec Order. Nous faisons juste la musique que nous ressentons en fonction de notre manière de jouer, et c’est le son que nous avons choisi. Ce sont les racines musicales que nous avons au sein de nous tous, en effet, et nous les ressentons et partageons tous, elles font partie de nous, et je ne pense jamais vraiment en termes de comment nous sonnons par rapport à d’autres groupes, je t’assure. Je dirais en résumé que Darkthrone a été inspiré par Mayhem, Bathory, et Celtic Frost aussi, mais ils sonnent toujours et encore comme du Darkthrone tout en possédant leur propre style.

L’an dernier, vous avez d’abord sorti une démo intitulée Folly Grandeur, puis en début d’année un premier single, « Prophet » suivi d’un deuxième « Torquemada » qui figurent tous deux sur votre premier album Lex Amentiae disponible maintenant. Selon toi, quelles furent les réactions des métalleux par chez vous sur la scène musicale que ce soit parmi les fans de Black/Death Metal en général ou bien parmi vos proches dans le milieu et avez-vous envoyé une copie à vos amis de Mayhem (Hellhammer, Necrobutcher, Attila et Teloch) ?
Je crois que les réactions ont été en général plutôt positives. Et nous sommes ravis à présent de notre nouvel album qui paraît et de toutes les nouvelles compositions. Les gens autour de nous ne disent jamais trop s’ils aiment ou pas la musique du voisin ou non à vrai dire… C’est marrant d’ailleurs. La scène norvégienne est petite, tu sais, et on se croise tous plus ou moins de temps à autre. Et nous n’avons pas besoin d’envoyer la démo ou le nouvel album à Mayhem, ils iront sur internet pour l’écouter et se faire leur avis, comme n’importe qui peut le faire s’il le souhaite ! (sourires)

Ce premier album se nomme donc Lex Amentiae. Mes souvenirs de Latin étant loin, comment cela peut se traduire ? Quel est le concept derrière ? « Lex, legis », féminin, signifie la loi il me semble si ma mémoire est bonne…
Le titre de l’album se traduit par « La Loi de la Folie », et fait référence à la manière dont le monde de nos jours est affecté par des gens qui ont placé la croyance au-dessus des faits, qui ne se préoccupe pas des choses rationnelles, et qui même méprisent la connaissance et le savoir, élisant des dirigeants autoritaires dénués de sens dans leur pays qui sont aveuglés par leur foi ou leur idéologie ou sont de simples fascistes plongés dans l’obscurantisme. Les différents éléments symboliques figurant sur la pochette de l’album représentent le vide et le tout, physiquement et métaphoriquement parlant. Dans le centre l’artwork, tu peux voir l’Homme. Les créatures entrelacées dans cette symbolique représentent le poison qui affecte tant de gens aujourd’hui dans nos sociétés, dominés par un démon afin de symboliser le principal poison destructeur sur nous tous : la religion.

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Je trouve que Lex Amentiae sonne très Celtic Frost tout de même, possédant un véritable feeling old school sur chacun des morceaux. Et ce n’est pas pour rien que vous reprenez d’ailleurs « Procreation (of The Wicked) » de Celtic Frost sur l’album. Cela signifie donc que vous assumez pleinement cet héritage et vos influences ?
« Procreation (of the Wicked) » est la chanson qui nous unit et réunit tous. C’est tellement culte. De mémoire, c’est le premier titre que Mayhem a joué en live, et c’est la première chanson que j’ai entendue de Mayhem à l’époque quand j’étais venu leur rendre visite dans leur local de répétition en 1986. C’était aussi plus tard la chanson d’ouverture de tous les concerts de Celtic Frost que j’ai fait lors de leur reformation à l’époque en 2006-2007 lorsque j’ai joué avec eux en tournée. Il s’agit également d’une chanson oubliée pour toute une nouvelle génération et nous voulons juste continuer à rendre hommage à nos racines.

Est-ce votre chanteur Messiah (ex-Mayhem donc) qui assure tous les vocaux au micro sur les chansons, comme par exemple sur le très Speed et Punk « Dugma » ? Il me semble qu’il était d’ailleurs davantage impliqué dans la scène Punk/Hardcore ces dernières années et plus très intéressé par le metal, non ?
Messiah est l’unique chanteur sur ce disque. On est d’ailleurs très honoré d’avoir un tel chanteur sur notre premier album avec un tel panel de styles et d’expressions vocales. Il a été, en effet, pas mal actif dans le Punk depuis qu’il avait quitté Mayhem en 1987. C’est en quelque sorte son retour au metal ! (rires) Il est le chanteur oublié de la scène metal norvégienne qui obtient enfin le crédit qu’il mérite.

Enfin, durant toutes vos années d’activités au sein de vos anciens groupes et votre relation à la scène Black Metal en Norvège, quel regard portes-tu quand tu entends de nouvelles formations de Black Metal de nos jours et regardes plus attentivement ce qu’elles proposent au public ? Trouves-tu certains groupes intéressants ? Personnellement, je trouve la scène scandinave bien triste et en déclin par rapport à il y a vingt ou trente ans. Heureusement, il a quelques groupes intéressants en Europe qui proposent des choses innovantes (Carach Angren par exemple), et notamment en France depuis déjà pas mal d’années déjà… (Belenos, Merrimack, Blut Aus Nord, Deathspell Omega, The Great Old Ones, Glorior Belli, etc.)…
Je n’en ai aucune idée, je ne fais plus beaucoup attention aux autres groupes sur la scène Black Metal à vrai dire. J’ai déjà assez à faire avec ma propre assiette et ne regarde pas en plus celle des autres. (rires) J’ai d’autres intérêts aussi à satisfaire. Je vais regarder des concerts underground ici ou là à Oslo, bien sûr, mais il y a rarement de nouveaux groupes de Black ou Death Metal que j’écoute. Peut-être qu’il y a de chouettes groupes en dehors que je devrais écouter en me posant un peu en regardant davantage autour de moi, mais je ne suis plus très intéressé. J’avoue être un enfoiré pour que la musique m’interpelle et me retienne, car il faut rentrer dedans. Cela prend le temps et requiert des efforts.

 

Découvrez la chronique de Lex Amentiae en cliquant ici !

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