IMPERIA : Une éclaircie à l’horizon

Alors que le groupe norvégien Trail Of Tears a annoncé sa reformation en fin d’année dernière sans sa chanteuse originelle Helena Iren Michaelsen, la diva du  Métal symphonique continue malgré tout sa carrière au sein d’Imperia au côté du guitariste finnois Jan Yrlund. Sur leur sixième (double) album baptisé The Last Horizon, la vocaliste impressionne toujours autant vocalement, comme nous l’a confirmé son principal compositeur et chef d’orchestre. [Entretien intégral avec Jan « Örkki » Yrlund (guitares) par Seigneur Fred – Photos : DR]

Honnêtement, es-tu pleinement satisfait de votre précédent album Flames of Eternity car bien que je ne le sache pas et ne l’ai pas écouté, je n’ai pas toujours lu de bonnes critiques à ce sujet dans les autres médias et dans la presse ? Qu’en est-il des réactions des fans ? Et quelle est ton opinion sur cet album alors deux ans après, The Last Horizon étant peut-être pour toi une réponse rapide à ces critiques afin de te surpasser d’une certaine manière alors ?
Ah, tu ne l’as pas écouté mais le juges quand même ?! (rires) Eh bien, c’est l’un de nos albums les mieux reçus en fait – en termes de réponse. Je pense que la chanson  » Fear Is An Illusion  » est notre meilleure chanson sur YouTube par exemple et celle qui a eu le plus de visites. Mais bien sûr, il y a toujours de bonnes et de mauvaises critiques, je ne compte plus ces jours-ci celles des nombreux webzines. En fait, je pensais qu’il avait été très bien reçu en général, donc ta question me laisse perplexe… Bref, personnellement je l’aime beaucoup, c’est un album de Rock solide. C’est un pas loin du style symphonique progressif comme l’était Secret Passion par exemple à l’époque (2011). Je sais que cela ne plaît pas à tous les fans de la scène Métal dite « à voix féminine ». D’un autre côté, nous n’avons jamais fait partie de cette idée que beaucoup nous considéraient comme faisant partie de la seconde vague néerlandaise de groupes symphoniques féminins. Et pendant un certain temps, nous avons pourtant opéré dans cette scène, bien entendu. Mais toute la scène a duré peut-être cinq ou six ans, mais nous étions juste déjà avec le premier et le deuxième album et nous sommes toujours là. Bien sûr, tu veux toujours surpasser l’album précédent d’une certaine manière, mais ce n’est pas vraiment le but. J’écris simplement de la musique que j’aime moi-même en espérant que quelqu’un d’autre l’aimera aussi. Il serait impossible de calculer ce que l’on « doit » écrire… Ce serait aussi induire ses fans. Nous avons nos propres fans et nous devons respecter cela aussi.

À première vue et à la simple lecture du nom de votre sixième album, The Last Horizon semble plutôt sombre et pessimiste… Est-ce lié à la crise sanitaire et économique actuelle que nous vivons qui a affecté l’humeur durant ton processus créatif de ce nouvel opus ?
Eh bien, le processus d’écriture a commencé il y a deux ans en fait, juste après Flames Of Eternity. Une chanson d’ailleurs date de cette précédente session d’enregistrement, nous ne l’avons simplement jamais terminée avec des voix à l’époque. Quant au titre, il est métaphorique. Il ne s’agit pas de la pandémie en tant que telle, même si cela pourrait aussi convenir à cela. Il s’agit plus de choix personnels et de destin. The Last Horizon symbolise le dernier fardeau, le dernier obstacle sur votre chemin vers la liberté. Quelque chose que vous voulez atteindre mais que vous ne pouvez jamais car l’horizon est inaccessible, il y aura toujours un nouvel horizon. Ceci dit, ce n’est en aucun cas un album heureux, mais plutôt un album triste. En effet, la pandémie actuelle a certainement joué un rôle dans tout cela et l’avenir est incertain. Aucune prédiction de quoi que n’est possible. Aucun organisme ne sait ce qui va se passer et quand et si nous nous débarrasserons un jour du virus covid-19. J’espère que nous le ferons…

Toujours à propos des paroles et de l’album titre, on peut voir sur le nouvel artwork de The Last Horizon un grand soleil ou bien comme un feu à l’horizon, et des oiseaux qui volent, à la fin de la journée au crépuscule, ou peut-être que c’est la fin du monde ou tout simplement l’apocalypse représentée ici… Pourrais-tu décrire et nous expliquer la pochette de The Last Horizon et ce que tu as voulu signifier ici, s’il te plaît ?
Oui, le grand soleil supporte en fait le logo d’Imperia, c’est donc en quelque sorte un horizon Imperia. Mais oui, comme tu peux le vois, la personne marche dans un paysage aride, avec des arbres sans feuille… C’est en fait un marais dont je me suis inspiré et que j’avais moi-même photographié. Et la direction de l’horizon vous appelle à rechercher une vie meilleure, une solution. Nous ne savons pas ce que l’avenir apporte, est- il bon ou mauvais ? Mais vous avancez, on essaie d’atteindre alors le futur, l’inaccessible, laissons tous les méchants souvenirs derrière soi. Dans le but peut-être de trouver une nouvelle vie, un meilleur endroit. Ce n’est pas la fin de tout ni l’Apocalypse, dans le sens où l’on laisse derrière soi tout ce mal de la vie et vous partez chercher le meilleur, peut-être pour la dernière fois. Mais on ne peut pas non plus dire ce que c’est. La curiosité nous anime alors, on recherche l’inexplicable, mais on ne peut rien faire d’autre que marcher.

Paradoxalement, le premier single « Starlight » extrait de The Last Horizon est très entraînant avec un air folklorique plutôt joyeux. Il donne même envie de danser. Vous n’utilisez pas d’instrument folk mais uniquement des claviers, je crois. Pourquoi avez-vous choisi, vous ou le label, ce premier single « Starlight » pour présenter ce nouvel opus au public ?
Le label ne choisit pas les singles, en fait c’est nous qui le faisons avec eux. Ce choix s’explique parce qu’il s’agit d’une chanson Rock entraînante avec une intro parfaite à cela. Il y a en fait un vrai violon, joué par l’altiste de l’Opéra national finlandais Henrik Perello. Il joue les mélodies principales, et je l’accompagne à la guitare. Le violon a une grande part dans la chanson. Et je pense en fait comme toi que la mélodie du thème principal est un peu folk. Mais de toute façon, oui, c’est une chanson dansante, entraînante, mais pas très gaie concernant les paroles. Ce sera également la seule vidéo de « groupe » que nous faisons pour notamment présenter aussi notre nouveau batteur Merijn Mol d’Amsterdam.

D’ailleurs vis-tu toujours en Finlande ou bien aux Pays-Bas maintenant ? Quelles sont les actualités de vos autres groupes et projets parallèles : Satyrian, Prestige, et fais-tu toujours partie des groupes flammands de Danse Macabre (Pays-Bas) et Ancient Rites (Belgique) dont j’étais toujours été fan ?
En fait, je suis retourné en Finlande en 2007, mais j’ai toujours un appartement aux Pays-Bas. Ma meilleure moitié est à moitié néerlandaise, donc je ferai toujours des allers-retours. Et bien sûr, Amsterdam a été ma maison pendant dix-sept ans, donc évidemment j’y ai encore aussi mes relations, même si j’aime aussi la Finlande ! Bien sûr, quand je suis revenu en arrière, j’ai dû jouer de la guitare aussi, alors nous avons repris contact avec les gars de Prestige. On a joué à quelques festivals et avons notre propre petit festival, mais la meilleure chose est que nous avons aussi signé avec Massacre Records et nous venons de sortir un nouveau single intitulé « Exit ». Un nouvel album – le premier depuis 1992 – sortira le 13.08.2021. Nous en sommes ravis, c’est bon de jouer du Thrash pendant un certain temps aussi ! Et bien sûr, les gars sont de bons amis.

Jan « Örkki » Yrlund (guitares)

Avec Satyrian, nous avons sorti l’album très réussi Eternitas en 2006 et j’ai des tas de chansons prêtes à présent. Je viens de sortir un remix d’une chanson sur le label Lion Music et j’essaye vraiment de sortir un album complet cette année.
Quant à Danse Macabre, je m’en souviens bien sûr ! C’étaient les beaux jours. Merijn Mol, qui est maintenant avec nous dans Imperia, était aussi le batteur de Danse Macabre. En fait, je joue avec lui depuis 1994. Nous avions un autre groupe appelé Boobytrap avant Danse Macabre. Il est également batteur dans Satyrian. Ce sont de bons souvenirs. En fait, Danse Macabre est en fait devenu Satyrian, moins une personne… Tous les autres membres du groupe sont les mêmes.
Quant à Ancient Rites, je n’ai eu aucun contact depuis que j’ai quitté le groupe en 2003. Nous avons eu nos sept ans mais ça ne s’est pas bien terminé. Il y a des raisons pour lesquelles je ne veux pas trop entrer dans le vif du sujet car c’est une interview d’Imperia, mais je suis sûr que tous ceux qui ont suivi le groupe le savent. Pour moi, c’est dommage que les choses aient tourné de cette façon, mais mieux, au moins je n’ai pas à m’inquiéter de choses politiques non liées à la musique. Je pense toujours que Fatherland et Dim Carcosa sont des albums très cool et j’ai mis tout mon cœur à les faire, comme je le fais avec tous les groupes dans lesquels je suis aujourd’hui. Si vous me suivez ou suivez les groupes dans lesquels je suis, vous remarquerez peut-être que quelque chose commence à se produire.

Revenons à The Last Horizon si tu veux bien. Il s’agit d’un double album cette fois. Peux-tu nous en présenter les deux parties ? Je dirais peut-être que le second volet est plus mélancolique que le premier est peut-être plus accrocheur et heavy, énergique. Qu’en penses-tu ? Quelle est ta vision de ce nouveau et double album et pourquoi cette séparation ?
Il y a quatorze chansons d’une durée totale de près de quatre-vingt minutes. Bien que tout aurait pu être contenu sur un seul CD, cela aurait été un très long CD… Et c’est un point que nous recevons toujours des critiques de la presse – pas des fans. Qu’il y a « trop » de musique sur le CD. Une pensée un peu bizarre quand on y pense. (rires) Nous avons donc décidé de le diviser en deux disques ou parties de plus de trente-cinq minutes chacun. C’est comme si vous étiez dans un théâtre : il y a l’acte 1, un entracte, tu prends un verre, tu discutes, puis tu écoutes l’acte 2. Donc, avec cette pause entre les deux, nous espérons que les deux disques recevront la même attention et qu’aucune chanson ne passera inaperçue. Nous avons en effet divisé ce nouvel album de manière à ce que le premier CD soit plus Heavy Metal et le second plus mélancolique contenant également des types de chansons plus différentes, plus variées. Telle est l’idée derrière ce choix. Et bien sûr c’est aussi pour offrir aux fans une expérience d’écoute plus luxueuse, pour le rendre plus précieux et spécial. Nous n’avons jamais fait de double CD, mais le prix est presque le même. (sourires)

Comment travaillez-vous au sein d’Imperia: tu commences par composer les parties de guitare (les riffs et les leads), et après avoir ajouté quelques claviers, tu penses aux voix (voix féminines, growls) ou bien tu parts de mélodies apportées par la voix de Helena Iren Michaelsen ?
J’écris toutes les chansons chez moi dans mon home studio. Je commence généralement à la guitare, ou parfois avec un piano. Quand les chansons quittent mon studio, elles sont déjà presque prêtes, avec orchestration, et tout. Les autres gars du groupe y ajoutent alors leur jeu avec leur instrument. Oliver Philipps, notre coproducteur et gourou de l’orchestre, crée de nouvelles orchestrations basées sur les miennes figurant sur la démonstration. Il y ajoute également des éléments de guitare supplémentaires, comme la guitare classique, et divers arrangements. Quand je reçois ses chansons, je joue les guitares finales, le bassiste Gerry fait ses parties et le batteur Merijn les siennes. Si nous avons besoin de musiciens supplémentaires – comme le violon – je les enregistre alors dans un studio en Finlande. Quand tout cela est prêt, c’est au tour d’Helena. Elle enregistre toutes les voix avec Oliver en studio. Elle fait elle-même toutes ses lignes vocales, ainsi que les paroles qu’elle écrit. Quand on a tout ça, tout va à Jacob Hansen au Danemark pour le mix.

Je sais qu’Helena est capable de tout chanter, de la voix douce à la voix d’opéra soprano, et peut aussi jouer avec sa voix en devenant folle comme vers la fin du premier morceau « Dream Away » ce qui surprend beaucoup. Elle s’amuse ! Comment fonctionnez-vous durant la composition ou l’enregistrement en studio tous les deux ?
Ha ah ! Tous les chants y compris les quelques growls sont aussi d’Helena. Tout ce que vous entendez, c’est 100% Helena et toutes les idées viennent d’elle. Parfois j’aide bien sûr avec des suggestions, mais elle ne m’écoute pas toujours. (rires) Elle est géniale ! Elle n’écrit pas de paroles ni de lignes vocales auparavant, elle ne répète pas non plus. Tout se passe dans la cabine vocale au moment de l’enregistrement en studio. Dans 99%, la première prise est bonne. C’est la meilleure chanteuse avec laquelle je n’ai jamais travaillé et elle peut faire tous les styles. Sa gamme vocale est incroyable. Elle fait tous les chœurs elle-même aussi. Probablement l’une des personnes les plus talentueuses que j’aie jamais rencontrée de ma vie.

Helena Iren Michaelsen (chant)

Un peu plus loin par exemple sur la chanson « Blindfolded » on entend quelques growls aussi. C’est donc bien elle ici encore ou toi ? En termes d’idées et de créativité, est-ce que ces parties surprenantes viennent d’elle ou bien c’est toi qui lui as suggérées en studio ?
Je t’ai dit qu’elle pouvait tout faire. Alors elle grogne aussi. (rires) Mais elle ne le fait pas tout le temps parce que certains groupes le font déjà, tout vient du cœur. Si une partie en a besoin, elle le fait, si une partie a besoin qu’elle soit comme une petite fée dans la forêt, elle le fera ou si une partie a besoin d’une sorcière maléfique, elle le fera aussi. Chanter, c’est presque comme interpréter une voix d’un personnage pour elle parfois, et elle saisit alors tout de suite l’essence de ma chanson. Ce que j’ai en tête pour le chant, elle le surpasse toujours. Avec elle, il n’y a jamais eu de chanson que je n’aime pas après qu’elle en ait fini l’enregistrement en studio. Nous formons une symbiose au sein d’Imperia, je donne de la musique, et elle donne de la voix et des mots, et tout le reste.

Les claviers sont très bien intégrés parmi les guitares et les voix, ce qui apporte beaucoup de puissance et de fluidité aux mélodies. Avez-vous un joueur de session de clavier pour les futurs spectacles dont nous attendons tous bientôt le retour ?
Je conçois toutes les parties de claviers au début, donc ce sont toutes mes mélodies, mais comme expliqué précédemment, notre pianiste/producteur d’orchestre Oliver ré-enregistre tout. C’est tellement un joueur professionnel et si modeste. Je ne pourrais jamais jouer ça seul. Je travaille avec Oliver depuis bien plus longtemps que je ne travaille avec lui pour Imperia. Je pense que le premier album avec lequel j’ai travaillé remonte à 1997. Nous avons donc parcouru un long chemin ensemble. On a également joué quelques concerts avec Satyrian tous les deux, mais il n’a jamais joué en live avec Imperia. Nous utilisons normalement une bande sonore sur ordinateur pour le live. La raison en est purement économique, tu sais. Nous vivons déjà dans quatre pays différents, donc les vols sont vraiment très chers. Mais oui, j’aimerais avoir un vrai claviériste en direct, bien entendu. Espérons que les shows reviennent et nous y arriverons !

Comme à la fin de votre album Flames of Eternity (et son morceau bonus « Mother »), il y a une nouvelle chanson interprétée uniquement au piano/voix avec donc la charmante voix d’Helena. Ce morceau s’appelle « Let Down ». Est-ce une reprise ici ou une composition originale d’Imperia ? Pourquoi toujours ce gimmick musical figurant à la fin de vos albums ?
Ce n’est pas une reprise, c’est une chanson à nous, du moins la mienne de l’album Secret Passion. C’est juste une si belle chanson. Oliver et Helena voulaient ensemble en faire une version pour piano alors pourquoi pas. J’aime souvent terminer l’album avec une simple chanson de piano, une outro mais chantée. C’est peut-être comme un « outro » sur les films, tu sais. Après avoir écouté une heure de Métal épique et entraînant, tu veux juste calmer et redescendre. Je ne sais pas mais ça marche pour moi en tout cas !

CHRONIQUE ALBUM

IMPERIA
The Last Horizon
Metal symphonique
Massacre Rec.

Si Therion ou Epica ont su revenir dernièrement à l’essentiel, leur challenger Imperia voit les choses en grand pour s’emparer un jour des joyaux de la couronne du Métal symphonique européen. Son guitariste Jan Yrlund (Prestige, Satyrian, ex-Danse Macabre, ex-Ancient Rites…) livre l’ambitieux double album The Last Horizon. Après tout, il a bien raison car outre ses qualités reconnues de compositeur hors-pair et de musicien, Imperia possède l’atout vocal contralto Helena Iren Michaelsen (ex-Trail of Tears) capable d’évoluer merveilleusement sur du pur Power Métal mélodique aux accents folk (l’excellent « Starlight »), des balades mélancoliques (« While I Am Still Here ») ou encore un simple piano-voix frissonnant à la Tori Amos (« Let Down »). Un très bel album qui faiblit malheureusement quelque peu sur la dernière moitié du second disque. [Seigneur Fred]

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